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Cette section comprend plusieurs villes, pays,
châteaux et forteresses et des peuplades d'origines diverses. Les principales
villes et districts dont nous allons traiter sont Camouda, Bâghây, Miskiâna,
Meddjâna, Bâdja, Bone (Bouna), Marsâ 'l-Kharaz,
Benzert, Laribus (Alorbos), Marmâdjanna, Castîlia, Bîlcân (?), Takîyous, Zaroud,
Cafça, Nafta, al-Hamma, Tunis
(Tounis), Aclîbia, Harcalia, Sousa, al-Mahdîya, Sfax
(Safâkis), Câbis, Raghougha, Çabra, Tripoli (Atrâbolos) et Labda. Les forts,
ports et lieux habités situés sur le littoral seront décrits à la fin de la
présente section, s'il plaît à Dieu.
Bâghây est une grande ville entourée d'une double muraille en pierre ; elle a un faubourg entouré également de murs où se tenaient autrefois les marchés qui se tiennent actuellement dans la ville même, le faubourg ayant été abandonné par suite des fréquentes incursions des Arabes. C'est la première ville du Pays des dattes (Bilâdo 't-Tamr ou Bilâdo 'l-Djarîd). Il y coule une rivière qui vient du côté du midi et dont les habitants boivent les eaux ; en outre on y trouve des puits dont l'eau est douce.
Autrefois la ville était
entourée de campements de Berbers, ce villages et de terres
cultivées, mais tout cela a bien diminué ; actuellement les habitants des
environs, dont les principales ressources consistent en blé et en orge, se
trouvent en quelque sorte sous la clientèle des Arabes, quoique la levée des
impôts et la conduite dans affaires soient restées à leurs propres chefs.
Près de là, à la distance de quelques milles seulement, est la montagne d'Aurâs, longue à peu près de 12 journées, et habitée par des peuplades qui exercent une grande influence sur leurs voisins.
De Bâghây à Constantine, on compte 3 journées.
De Bâghây à Tobna, du pays du Zâb, 4 journées.
De Bâghây au chef-lieu de Castîlia, 4 journées.
Cette dernière ville, dont le nom est Tauzar, est entourée d'une forte muraille, et ses environs sont couverts de palmiers qui produisent des dattes pour toute l'Ifrikîya. On y trouve également de beaux citrons d'une grosseur et d'un goût extraordinaires ; la plupart des fruits que le pays produit sont de bonne qualité ; les légumes y sont abondants et excellents. L'eau y est de mauvais goût et incapable d'étancher la soif. Le prix des céréales est ordinairement haut, attendu qu'on est obligé de les faire venir de loin, le pays ne produisant que fort peu de blé et d'orge.
Non loin de là, au sud-est et à la distance d'une petite journée, est située la ville d'al-Hamma, où l'eau n'est pas non plus de très bonne qualité ; cependant on peut la boire sans dégoût et les habitants s'en contentent. On y trouve beaucoup de palmiers et de dattes.
De là à Takîyous, on compte à peu près 20 milles.
Takîyous est une jolie ville, située entre al-Hamma et Cafça. Les environs sont bien cultivés et produisent du henna, du cumin et du carvi, de belles dattes et beaucoup de légumes excellents. De là à Cafça, on compte 1 journée.
Cafça est une belle ville, entourée d'un mur ; il y coule une rivière dont l'eau est meilleure que celle de Castîlia (c'est-à-dire Tauzar). Au milieu de la ville est une source d'eau dite at-Tarmîdz. Les bazars de Cafça sont bien fournis et très fréquentés, et les fabriques dans un état prospère. On voit, autour de la ville, de nombreuses plantations de palmiers, qui produisent diverses espèces de dattes de qualité supérieure ; des jardins, des vergers et des châteaux bien entretenus et habités embellissent la ville ; on y cultive avec succès du henna, du coton et du cumin. Les habitants de cette ville sont devenus Berbères (se sont berberisés) ; la plupart d'entre eux parlent la langue latine-africaine.
En se dirigeant vers le
sud-ouest, on se rend de Cafça à la ville de Câcira, qui s'appelle
aussi Madzcoura, et à l'orient de laquelle sont les villes
de Nigâous et de Djamounis. Toutes ces villes ont entre elles beaucoup
de ressemblance, tant sous le rapport de la qualité des eaux, que sous
celui de la nature des productions. On y recueille beaucoup de dattes,
mais le blé y est rare et l'on est obligé d'en faire venir du dehors.
Cafça est un lieu central par rapport à divers autres, ainsi, par exemple : de Cafça à al-Cairawân, en se dirigeant vers le nord-est, on compte 4 journées.
Au sud-ouest (de Cafça ?), et à la distance de 5 journées, est Bîlcân, ville bien pourvue d'eau, mais ruinée depuis l'époque à laquelle les Arabes se rendirent maîtres d'elle et de tout le pays environnant. Elle est à 4 journées de distance de Cafça.
De Cafça, en se dirigeant vers le midi et la montagne de Nafousa, à la ville de Zaroud, 5 journées.
De Cafça à Nafta, ville bien peuplée, dont les habitants s'adonnent au commerce, et dont les environs sont bien cultivés, arrosés par des eaux courantes et plantés de palmiers, 2 faibles journées.
De Cafça à Nafzâwa, dans la direction du midi, 2 journées et quelque chose.
De Tauzar à Nafzâwa, une forte journée et demie.
De Cafça, en se dirigeant vers le mirdi, à la montagne de Nafousa, environ 6 journées.
Cette montagne est très haute et elle s'étend sur un espace d'environ 3 journées de longueur, ou un peu moins. Là sont situées deux villes, chacune avec un minbar, dont l'une, appelée Charous et construite sur la montagne même, est pourvue d'eaux courantes, entourée de vignes qui produisent d'excellents raisins, et de figuiers. En fait de céréales, on y cultive de l'orge de première qualité avec lequel on fabrique d'excellent pain ; les habitants de cette ville étant d'ailleurs les plus habiles boulangers du monde.
De Cafça à la ville
de Sfax (Safâkis), 3 journées.
Entre la montagne de Nafousa et la ville (capitale) de Nafzâwa est située celle de Louhaca dont la territoire touche, du côté de l'ouest, à celui des villes de Biscara et de Bâdis.
Toutes ces villes, comme nous venons de le dire, sont à peu près également grandes, peuplées et commerçantes.
De la montagne de Nafousa à Warfalân, on compte 12 journées.
De Nafta à Câbis, 3 journées et quelque chose.
Câbis est une ville considérable, bien peuplée, entourée d'un véritable bois de vergers qui se succèdent sans interruption et qui produisent des fruits en abondance, de palmiers, d'oliviers, de terres cultivées et de métairies comme on n'en trouve pas ailleurs. Elle est ceinte d'un mur très solide, et entourée d'un fossé. Les bazars offrent une grande diversité de marchandises. On fabriquait autrefois de belles étoffes de soie dans cette ville, mais aujourd'hui une des principales industries consiste dans la préparation des cuirs destinés pour l'exportation.
La rivière qui coule à Câbis vient d'un grand étang, sur les bords duquel et à 3 milles de distance de Câbis est situé Caçr Saddja, petite ville bien peuplée dont le bazar se trouve du côté de la mer, et où l'on compte beaucoup de fabricants de soie. On y boit de l'eau de la rivière de Câbis ; cette eau n'est pas très bonne, mais les habitants de Câbis sont obligés de s'en contenter.
La distance de Câbis à la mer est de 6
milles, du côté du nord, l'espace entre la lisière du bois
de Câbis et la mer étant occupé par des sable contigus d'un mille
d'étendue. Ce bois se compose d'une réunion de vergers, de vignes et
d'oliviers, l'huile étant l'objet d'un grand commerce. On y trouve aussi des
palmiers qui produisent des dattes d'une bonté et d'une douceur au-dessus
de tout éloge. Les habitants de Câbis ont coutume de les cueillir
fraîches et de les placer dans des vases (tonneaux) ; au bout d'un
certain temps, il en découle une substance mielleuse qui couvre la superficie
du vase. On ne peut manger de ces dattes avant que ce miel ait
disparu, mais alors il n'est pas de fruit, même dans les
pays renommés pour leurs dattes, qui soit comparable a celui-ci.
Le port de Câbis est très mauvais, car on n'y est pas à l'abri des vents. Les bateaux jettent l'ancre dans la petite rivière de Câbis où l'on éprouve l'action du flux et du reflux et où les navires d'un faible tonnage peuvent mouiller. La marée s'y fait ressentir jusqu'à la distance d'un jet de flèche. Les habitants de Câbis ne se distinguent pas par la douceur du caractère, mais ils sont nets et propres ; ceux des environs sont insolents et voleurs de grand chemin.
De Câbis à Sfax, on compte, en suivant les bords du golfe, 70 milles.
De Sfax à Cafça, en se dirigeant vers le sud-ouest, 3 journées.
Sfax est une ville ancienne et bien peuplée ; ses marchés sont nombreux et il s'y fait un commerce fort actif. Un mur en pierres entoure la ville dont les portes sont revêtues d'épaisses lames de fer. Au-dessus du mur sont des tours de construction admirable destinées aux corps de garde. On y boit de l'eau des citernes. Les plus beaux fruits y sont apportés de Câbis, plus qu'il n'en faut à Sfax, et l'on peut s'en procurer à bon compte. On y pêche beaucoup de grand et d'excellent poisson ; la pêche a lieu généralement au moyen de filets disposés avec art dans les eaux mortes. La principale production du pays consiste en olives, on y gagne une quantité d'huile comme nulle part ailleurs. Le port est beau et tranquille (l'eau en est morte) ; en somme, c'est un des lieux les plus considérables ; les habitants sont fiers et hautains. Cette ville fut prise par le grand roi Roger en 543 de l'Hégire (1148 de J. C.) ; bien qu'elle soit encore très peuplée, sa prospérité n'est plus ce qu'elle était autrefois.
De Sfax à al-Mahdîya, on compte 2 journées.
Cette dernière ville, où
réside un gouverneur de la part du grand roi Roger, offre un port des
plus fréquentés par les navires marchands venant de l'orient et
de l'occident, de l'Espagne, de l'empire Byzantin et d'autres
contrées. On y apportait autrefois des marchandises en quantité et pour des
sommes immenses. A l'époque présente le
commerce y a diminué. Al-Mahdîya était le port et l'entrepôt
d'al-Cairawân ; elle fut fondée sur les bords de la mer par al-Mahdî
Obaidollah qui lui donna son nom. Pour s'y rendre de Sfax, on va
premièrement à Raccâda du Cairawân et puis de Raccâda à
al-Mahdîya. La distance entre elle et al-Cairawân est de 2 journées.
Al-Mahdîya était autrefois extrêmement fréquentée
par les voyageurs ; on y apportait de tout côté une grande variété
de marchandises, car on était sûr d'y trouver des chalands, et ses
habitants jouissaient d'une bonne réputation chez tout le monde ; les
constructions en sont belles, les maisons nettes et élégantes, les lieux
de plaisance jolis, les bains magnifiques, les caravansérais nombreux,
enfin la ville offre au dehors et au dedans un coup d'oeil d'autant plus
ravissant que ses habitants sont généralement beaux et
proprement vêtus. On y fabrique des tissus très fins et très beaux, connus sous
le nom de tissus d'al-Mahdîya et dont il se faisait en tout temps une
exportation considérable, car ces tissus étaient inimitables sous tous les
rapports. Les habitants d'al-Mahdîya boivent de l'eau de citerne,
l'eau des puits étant d'un goût désagréable. La ville est entourée
de belles murailles en pierre et fermée au moyen de deux portes
construites en lames de fer superposées sans emploi d'aucun bois. Il n'en
existe point dans le monde habité d'aussi habilement ni d'aussi solidement
fabriquées, et elles sont considérées comme une des curiosités les plus
admirables de la ville. Il n'y a du reste ni jardins, ni vergers, ni
plantations de dattiers ; les fruits y sont apportés en partie des
châteaux d'al-Monastîr, situés à 30 milles
de distance par mer. Ces châteaux, au nombre de trois, sont habités
par des religieux auxquels les Arabes ne font aucun mal et dont ils respectent
les champs cultivés et les vergers. C'est à al-Monastîr que les habitants
d'al-Mahdîya vont, par mer et au moyen de barques, ensevelir leurs morts,
car il n'y a point de cimetière chez eux, du moins je
n'en connais pas.
De nos jours, al-Mahdîya se compose
de deux villes, savoir, al-Mahdîya proprement dite et Zawîla (Zoulia). La
première sert de résidence au sultan et à ses troupes ; elle est
dominée par le château du prince, construit de la manière la plus
soldie. On voyait dans cette ville, avant qu'elle fût conquise par le grand roi
Roger, les voûtes d'or dont la possession faisait la gloire des princes.
Lors de la conquête, le prince régnant était
al-Hasan ibn Alî ibn Yahya ibn Tamîm ibn 'l-Mo'izz ibn Bâdîs ibno 'l-Mançour ibn
Zîrî le Çanhâdjite. Zawîla (Zoulia) est remarquable par la beauté de ses
bazars et de ses édifices, ainsi que par la largeur de ses rues et
de ses carrefours. Les habitants sont des négociants riches, doués d'une
habileté et d'une intelligence admirables. Leurs vêtements sont ordinairement
de couleur blanche et ils prennent grand soin qu'ils
soient propres ainsi que leurs corps. Leur conduite est irréprochable, ils
joignent à une connaissance commerciale très étendue une régularité louable dans
les affaires. La ville est entourée, tant du côté de la terre que
de celui de la mer, de murailles en pierre, hautes et fortes, et
le long du premier de ces côtes, règne un grand fossé qui se remplit
au moyen des eaux pluviales. Dans la ville on voit plusieurs bains et
caravanserais (fondoc). Au dehors et du côté
de l'ouest, existe un vaste enclos (himâ), où se
trouvaient, avant l'invasion ruineuse des Arabes en Afrique, les jardins et les
vergers des habitants, qui étaient remarquables par la bonté et la beauté des
fruits qu'ils produisaient ; actuellement il n'en reste plus rien. Dans les
environs de Zawîla sont plusieurs villages, châteaux et métairies, dont les
habitants se livrent à l'agriculture et à l'éducation dans bestiaux. Les
productions du pays sont le froment, l'orge, les olives : on y gagne
quantité d'huile de qualité supérieure, qu'on emploie dans toute l'Ifrikîya
et dont on exporte beaucoup pour le levant. Les villes d'al-Mahdîya et
de Zawîla sont séparées l'une de l'autre par une aire
de l'étendue d'un peu plus d'un jet de flèche et qu'on nomme ar-Ramla
(le sable). Al-Mahdîya est la capitale de l'Ifrikîya et le pivot
de l'empire.
Mais avant
de continuer la description de l'Ifrikîya, à laquelle nous sommes
arrivés spontanément, il nous faut revenir sur nos pas et reparler pour un
instant du pays de Nafzâwa, pour dire que la ville de Sobaitala (Sufetula) était avant l'islamisme la ville de Grégoire
(Djordjîs), roi des Romains africains ; elle était remarquable par son
étendue ainsi que par la beauté de son aspect, par l'abondance de ses
eaux, par la douceur de son climat et par la bonté de son sol. Elle
était entourée de vergers et de jardins. Les
musulmans s'en emparèrent dès les premières années de l'hégire, et mirent à
mort le grand roi nommé Grégoire. De là à Cafça on compte un peu plus d'une
journée, et à al-Cairawân, 70 milles.
Al-Cairawân, la métropole du pays (de l'Afrique), était la ville la plus importante du Maghrib, soit à cause de son étendue, soit à raison de sa population et de ses richesses, de la solidité de ses édifices, des avantages que présentait son commerce, de l'abondance de ses ressources et de ses revenus, tandis que ses habitants se distinguaient par leur esprit d'indépendance, par leur fierté et par leur audace. Les hommes pieux de cette ville étaient remarquables par leur persévérance dans le bien et leur fidélite aux engagements, par l'abandon des choses vicieuses et l'éloignement des péchés, enfin par la tendance à la droiture ; mais Dieu, en faisant tomber cette ville au pouvoir des Arabes, a répandu sur elle toutes sortes de calamités. Actuellement il ne subsiste de son ancienne grandeur que des ruines ; une partie de la ville est entourée d'un mur en terre ; les Arabes y dominent et mettent le pays à contribution ; les habitants y sont peu nombreux, et leur commerce ainsi que leur industrie sont misérables. Cependant d'après l'opinion des astrologues, cette ville ne doit pas tarder à recouvrer son ancienne prospérité. L'eau n'y est pas abondante ; celle que boivent les habitants provient de la grande citerne qui s'y trouve et qui est d'une construction remarquable elle est de forme carrée, chaque face a deux cents coudées et elle est toute remplie d'eau ; au centre est une espèce de tourelle.
Al-Cairawân se composait autrefois de deux
villes, dont l'une était al-Cairawân proprement dite, et l'autre Çabra. Cette
dernière était le siége du gouvernement et on y comptait au temps
de sa prospérité trois cents bains, dont la plupart se
trouvaient dans les maisons particulières ; le reste était destiné au
public. Elle est maintenant totalement ruinée et dépourvue d'habitants. A 3 milles de distance étaient les châteaux de Raccâda,
si hauts, si magnifiques, entourés de si beaux jardins du temps des
Aghlabites qui y passaient la belle saison. Ils sont actuellement ruinés
de fond en comble, sans espoir de restauration.
D'al-Cairawân à Tunis, on compte un peu plus de 2 journées de caravane. Cette dernière ville est belle, entourée de tout côté de plaines cultivées dont le produit principal consiste en blé et en orge, premier objet du commerce des Tunisiens avec les chefs arabes. De nos jours, cette ville est florissante, peuplée et fréquentée par les populations voisines et par les étrangers de pays lointains ; elle est environnée de solides retranchements en terre, et elle a trois portes. Tous les jardins, fruitiers et potagers, sont situés dans l'intérieur de la ville ; il n'y a rien au dehors qui vaille la peine d'être cité. Les Arabes de la contrée y apportent du grain, du miel et du beurre en abondance, de sorte que le pain et les pâtisseries qu'on y fait sont d'excellente qualité. Tunis est une ville très ancienne, très solidement construite, et elle porte dans les anciennes chroniques le nom de Tarchîch ; ce furent les Musulmans qui, lorsqu'ils s'en emparèrent, la reconstruisirent et lui imposèrent son nouveau nom. On y boit de l'eau de divers puits, mais la meilleure provient de deux puits très vastes et très abondants, creusés par les soins de quelques pieux seigneurs musulmans. Cette ville n'est pas très éloignée de la célèbre Carthage dont le territoire produit les plus beaux fruits en abondance, et de plus du coton, du chanvre, du carvi et de la garance ('oçfor) ; mais Carthage est actuellement ruinée et sans habitants.
Tunis est bâtie au fond d'un golfe qui est formé par la mer et auprès d'un lac creusé (de main d'homme) ; ce lac est plus large que long, car sa largeur est de 8 milles et sa longueur n'est que de 6. Il communique avec la mer par un canal dont l'embouchur s'appelle Famo 'l-Wâdî (embouchure du fleuve). Ce lac n'existait pas anciennement, mais on le creusa dans la terre ferme de manière à l'amener jusqu'auprès de Tunis, ville qui, comme nous venons de le dire, est distante de la mer de 6 milles.
La largeur de ce
canal creusé est d'environ 40 coudées ; sa profondeur de 3 à 4 toises,
fond de vase. La longueur du creusement auquel on donne le nom
de fleuve est de 4 milles. Lorsqu'on y introduisit les eaux
de la mer, elles s'élevèrent au-dessus du niveau de la hauteur
d'environ un quart de toise ; puis elles devinrent stationnaires. A
l'extrémité du canal, sa surface s'agrandit et sa profondeur augmente. On
appelle ce lieu Waccour (lieu de chargement ?) ; c'est là que
jettent l'ancre les navires de transport, les galères et les bâtiments
de guerre ; l'excédant des eaux introduites dans le canal creusé
atteint la ville de Tunis qui est bâtie sur les bords du lac, mais les
vaisseaux n'y parviennent pas. On les décharge à Waccour au moyen
de petites barques susceptibles de naviguer à plus basses eaux ;
même l'introduction des navires de la mer dans le canal et jusqu'à Waccour
ne peut avoir lieu qu'un à un, attendu le défaut d'espace. Une partie
du lac s'étend vers l'ouest, en sorte que ses rives de ce côté ne sont
qu'à 2 milles de Carthage, tandis qu'on en compte 3 et demi
de l'embouchure du lac à cette même ville.
Carthage est actuellement
ruinée, il n'y a qu'une seule partie élevée qui soit habitée. Ce quartier qui se
nomme al-Mo'allaca est entourée d'un mur en terre et occupé par des chefs
d'Arabes, connus sous le nom de Banou Ziyâd. Au temps où elle florissait,
cette ville était l'une des plus renommées du monde, à cause de ses
étonnants édifices et de la grandeur de puissance qu'attestaient ses
monuments. On y voit encore aujourd'hui de remarquables vestiges
de constructions romaines, et par exemple le théâtre, qui n'a pas son
pareil en magnificence dans l'univers. En effet cet édifice est
de forme circulaire et se compose d'environ cinquante arcades ;
chacune de ces arcades embrasse un espace de plus de trente
empans ; entre chaque arcade et sa pareille (litt. sa soeur) est un
pilier haut de quatre empans et demi ; la largeur du pilier avec
ses deux pilastres est d'autant. Au-dessus de chacune
de ces arcades s'élèvent cinq rangs d'arcades les unes au-dessus des
autres, de mêmes formes et de mêmes dimensions, construites en pierres
de l'espèce dite caddzân d'une incomparable
bonté. Au sommet de chaque arcade est un cartouche rond, et sur ceux
de l'arcade inférieure on voit diverses figures et représentations
curieuses d'hommes, d'artisans, d'animaux, de navires, sculptées sur la
pierre avec un art infini. Les arcades supérieures sont polies et sans
ornements. Il était anciennement destiné, d'après ce qu'on rapporte, aux jeux et
aux spectacles publics qui avaient lieu chaque année à jours fixes.
Parmi les curiosités de Carthage, sont les voûtes (l'aqueduc), dont le nombre s'élève à vingt-quatre sur une seule ligne. La longueur de chacune d'elles est de 130 pas et sa largeur de 26. Elles sont toutes surmontées d'arcades, et dans les intervalles qui les séparent les unes des autres, sont des ouvertures et des conduits pratiqués pour le passage des eaux ; le tout est disposé géométriquement avec beaucoup d'art. Les eaux venaient à ces voûtes d'une source nommée Ain Choucâr, située à 3 journées de distance, dans le voisinage d'al-Cairawân. L'aqueduc s'étendait depuis cette fontaine jusqu'aux voûtes sur un nombre infini d'arceaux où l'eau coulait d'une manière égale et réglée. C'étaient des arches construites en pierre ; elles étaient basses et d'une hauteur médiocre dans les lieux élevés, mas extrêmement hautes dans les vallées et dans les bas-fonds.
Cet aqueduc est l'un des ouvrages les plus
remarquables qu'il soit possible de voir. De nos jours il est
totalement à sec, l'eau ayant cessé de couler par suite
de la dépopulation de Carthage, et parce que, depuis l'époque
de la chute de cette ville jusqu'à ce jour, on a
continuellement pratiqué des fouilles dans ses débris et jusque sous les
fondements de ses anciens édifices. On y a découvert des marbres
de tant d'espèces différentes qu'il serait impossible de les décrire.
Un témoins oculaire rapport en avoir vu extraire des blocs de 40 empans
de haut, sur 7 de diamètre. Ces fouilles ne discontinuent pas ;
les marbres sont transportés au loin dans tous les pays, et nul ne quitte
Carthage sans en charger des quantités considérables sur des navires ou
autrement ; c'est un fait très connu. On trouve quelquefois des colonnes en
marbre de 40 empans de circonférence.
Autour de Carthage sont des champs cultivés et des plaines qui produisent des grains et divers autres objets de consommation. A l'ouest est un district considérable, nommé Satfoura, qui compte trois villes dont la plus voisine de Tunis s'appelle Achlouna, les deux autres Tînidja et Binzart (Benzert, Bizerte). Cette dernière, bâtie sur les bords de la mer à une forte journée de marche de Tunis, est plus petite que Sousa, mais elle est bien munie, peuplée et il s'y fait un commerce assez actif en toutes espèces de commodités. A l'est de Bizerte est le lac du même nom dont la longueur est de 16 milles et la largeur de 8 ; il communique par une embouchure avec la mer. Plus il pénètre dans les terres plus sa surface s'agrandit, et plus il se rapproche du rivage plus il devient étroit.
Ce lac offre une singularité des plus
remarquables. Elle consiste en ce qu'on y compte douze espèces différentes
de poissons, et que, durant chacun des mois de l'année, une seule
espèce domine sans mélange avec aucune autre. Lorsque le mois est écoulé,
l'espèce de poisson qui lui correspond disparaît et est
remplacée par une nouvelle également distincte et ne se confondant point avec la
précédente qui a disparu, et ainsi de suite jusqu'à la fin de l'année,
et tous les ans. Voici les noms
de ces douze poissons : ce sont le bourî
(mugicephalus), le câdjoudj, le mahal, le talant, les achbîlînîyât, la chalba, le câroudh, le lâdj, la djoudja, la kahlâ, le tanfalou, et le calâ.
Au sud-sud-ouest de ce lac et sans solution de continuité, il en existe un autre qui s'appelle le lac de Tînidja, et dont la longueur est de 4 milles sur autant de largeur. Les eaux communiquent de l'un à l'autre d'une manière singulière, et voici comment : celles du lac de Tînidja sont douces et celles du lac de Bizerte salées. Le premier verse ses eaux dans le second durant six mois de l'année, puis le contraire a lieu ; le courant cesse de se diriger dans le même sens et le second lac s'écoule dans le premier durant six mois, sans cependant que les eaux de celui de Bizerte deviennent douces, ni celles du lac de Tînidja salées. Ceci est encore l'une des particularités de ce pays. A Bizerte comme à Tunis, le poisson est peu cher et très abondant.
De Bizerte à Tabarca, on compte 70 milles. Cette dernière est une place forte maritime, médiocrement peuplée et dont les environs sont infestés d'Arabes misérables qui ne gardent pas la foi donnée et ne sont pas fidèles aux engagements. Il y a un port recherché par les navires espagnols et qu'ils prennent (pour point de relâche) dans leurs traversées en ligne directe (litt. d'un promontoire à l'autre).
A peu de distance sur le chemin qui conduit
de Tabarca à Tunis, on trouve Bâdja, jolie ville, bâtie dans une plaine
extrêmement fertile en blé et en orge, en sort qu'il n'est pas dans le Maghrib
de ville de l'importance de Bâdja qui soit plus riche
en céréales. Le climat y est sain, les commodités de la vie abondantes et
les sources de revenus productives pour celui qui la gouverne ; les
Arabes sont maîtres de la campagne et de ce qu'elle produit. Au milieu
de la ville est une fontaine à laquelle on parvient en descendant un
escalier ; l'eau de cette fontaine sert aux besoins des habitants. Il n'existe pas de bois dans ses environs, ce sont des
plaines ensemencées. Entre Bâdja et Tabarca on compte 1 journée et quelque chose
de plus. Au nord, vis-à-vis, et à 1 forte journée de Bâdja, sur le
bord de la mer, est la ville dite Marsâ 'l-Kharaz.
Marsâ 'l-Kharaz est une petite ville, entourée d'une forte muraille et munie d'une citadelle ; les environs sont peuplés d'Arabes. Les habitants vivent de la pêche du corail. Cette pêche est très abondante, et le corail qu'on trouve ici est supérieur à tous les coraux connus, notamment à celui qu'on pêche en Sicile et à Ceuta (Sabta). Ceuta est une ville située sur le détroit de Gibraltar qui est en communication avec l'océan Ténébreux ; nous en reparlerons ci-après. Les marchands de divers pays viennent à Marsâ 'l-Kharaz pour y faire des achats considérables de corail destiné pour l'exportation à l'étranger.
Le banc (litt. la mine) est exploité tous les ans. On y emploie en tout temps cinquante barques plus ou moins ; chaque barque étant munie d'environ vingt hommes. Le corail est une plante qui végète comme les arbres et qui se pétrifie ensuite au fond de la mer entre deux montagnes très hautes. On le pêche au moyen d'instruments garnis de bourses nombreuses, lesquelles sont faites de chanvre ; on fait mouvoir ces instruments du haut des navires ; les fils s'embarrassent dans les branches de corail qu'ils rencontrent, alors les pêcheurs retirent l'instrument et en extraient le corail qui s'y trouve en grande abondance. On en vend pour des sommes d'argent considérables, et c'est la ressource unique des habitants. On y boit de l'eau de puits, et comme il y a peu de champs ensemencés, les céréales y sont apportées par les Arabes des campagnes environnantes ; les fruits viennent de Bone et d'ailleurs.
Entre Marsâ 'l-Kharaz et Bone (Bouna), on compte 1 journée faible ; et par mer, 24 milles en ligne directe.
Bone est une ville
de médiocre étendue. Elle est comparable sous le rapport de la
grandeur à Laribus (Alorbos). Elle est située sur les bords de la mer. Il y
avait autrefois de beaux bazars et son commerce était florissant. On y
trouvait beaucoup de bois d'excellente qualité, quelques jardins, et diverses espèces de fruits destinés à la consommation
locale, mais la majeure partie des fruits provenait des campagnes environnantes.
Le blé y est abondant, ainsi que l'orge, quand les récoltes sont favorables,
comme nous l'avons dit. Il s'y trouve des mines de très bon fer, et le pays
produit du lin, du mil, du beurre ; les troupeaux consistent
principalement en boeufs. Cette ville a diverses dépendances et un territoire
considérable où les Arabes dominent. Bone fut conquise par un des lieutenants
du grand roi Roger, en 548 (1153) ; elle est actuellement pauvre,
médiocrement peuplée, et administrée par un agent du grand roi Roger, issu
de la famille des Hammâdites. Cette ville est dominée par la Djabal
Yadough, montagne dont les cimes sont très élevées, et où se trouvent les mines
de fer dont nous venons de parler.
De la ville de Bâdja, dont nous avons traité ci-dessus, à Laribus (Alorbos), on compte 2 journées, et de Laribus à al-Cairawân, 3 journées ; de Bâdja à la mer, 2 petites journées.
Laribus (Alorbos) est située dans un bas-fond et ceinte de bonnes murailles en terre. Au milieu de la ville sont deux sources d'eau courante qui ne tarissent jamais et qui servent, de nos jours, aux besoins des habitants. L'une de ces sources s'appelle la fontaine de Rabâh, l'autre la fontaine de Ziyâd ; l'eau de cette dernière est meilleure que celle de l'autre, et très salubre. Le territoire de Laribus contient une mine de fer, mais on n'y voit absolument aucun arbre. Dans les champs qui entourent la ville, on recueille du blé et de l'orge en abondance. A 12 milles de là et à l'ouest de Laribus est située la ville d'Obba (Orba) dont le territoire produit du safran qui, sous le rapport de la quantité (que le terrain produit) comme sous celui de la qualité, est comparable au safran d'Espagne. Les territoires de ces deux villes n'en font qu'un et se confondent. Au centre d'Obba est une source d'eau douce très abondante qui sert aux besoins des habitants. La ville était autrefois entourée de murs construits en terre, et le prix des objets de consommation y était peu élevé ; actuellement tout est à peu près en ruines.
De Laribus (Alorbos) à
Tâmadît, on compte 2 journées. Tâmadît est une petite ville, entourée
de murs en terre ; on y boit de l'eau de source ; on y
recueille beaucoup d'orge et beaucoup de blé. Dans
l'intervalle compris entre Laribus et Tâmadît est un bourg nommé Marmâdjanna
dont les habitants ont à payer un tribut annuel aux Arabes. On y récolte
du blé et de l'orge en quantité plus que suffisante pour les besoins
du lieu.
De Tîdjis à la ville maritime de Bone, on compte 3 journées.
De Tîdjis à Bâghây, 3 journées.
De Laribus à al-Cairawân, 3 journées.
De Laribus à Tunis, 2 journées.
De Tîdjis à Constantine, 2 journées.
La distance entre Laribus et Bougie est de 1 journée.
De Marmâdjanna à Maddjâna, 2 faibles
journées, ou plutôt 1
très forte.
Maddjâna est une petite ville, entourée d'un mur en terre, dans le territoire de laquelle autrefois on cultivait beaucoup de safran. Il y a une rivière dont les eaux sont abondantes et sur les bords de laquelle sont les terres cultivées des habitants. Elle provient d'une montagne voisine qui est très haute et dont on extrait des pierres de moulin d'une qualité tellement parfaite, que leur durée égale quelquefois celle de la vie d'un homme sans qu'il soit besoin de les réparer, ni de les travailler en aucune manière, à cause de la dureté du grain et de la cohésion des molécules qui les composent. Les Arabes dominent sur le territoire de Maddjâna et y emmagasinent leurs provisions. De cette ville à Constantine, on compte 3 journées ; du même point à Bougie (Bidjâya an-Nâcirîya), 6 journées.
Entre Tunis et
al-Hammâmât, la
distance est 1 forte journée. Cet
espace
est la largeur de la péninsule dite Djazîrat Bâchou, laquelle est une terre
de bénédiction, couverte de champs cultivés et de plantations
d'oliviers, riche en toutes bonnes choses. Il y a peu d'eau courante sur la
surface de la terre, mais des puits en quantité suffisante ; en somme
le territoire de cette péninsule est très fertile. Elle forme un district
dont le chef-lieu était Bâchou, ville dont il ne reste que des vestiges à
l'endroit où il y a à présent un fort habité. Il y a dans cette péninsule un
autre fort situé sur les bords de la mer et nommé Nâbol (Néapolis). Du temps des Romains il y
avait auprès de ce dernier fort une grande ville, très peuplée, mais elle
est ruinée et actuellement il n'en reste que des vestiges.
Il en
est de même du fort Tousîhân, dans le voisinage duquel on voit encore
les restes d'une ville qui était florissante à l'époque de la domination
romaine.
Entre Tunis et al-Cairawân est la montagne dite de Zaghawân, qui est très haute, et qui, par ce motif, est prise par les vaisseaux en pleine mer pour point de reconnaissance. Les flancs de cette montagne sont très bien arrosés, fertiles et couverts de pâturages et de champs ensemencés. En divers endroits on y rencontre des hermitages de religieux musulmans. Il en est de même de la montagne de Wâsalât, dont la longueur est de 2 journées de marche, qui est distante de Tunis de 2 journées et d'al-Cairawân de 15 milles. On y trouve de l'eau courante et beaucoup de champs cultivés. Il y a divers forts, tels que Hiçno 'l-Djouzât, Hiçn Tifâf, Hiçno 'l-Caitana, Dâr Ismâil, Dâro'd-dauwâb. Toute cette contrée est peuplée de tribus berbères qui y élèvent des troupeaux de boeufs, de moutons, des mulets et des juments. Quant aux Arabes, ils dominent dans les plaines.
Il nous reste à indiquer les routes fréquentées entre ces villes : nous allons commencer par celle qui conduit d'al-Cairawân à Tâhart.
On se rend d'al-Cairawân à al-Djohanîîn, village, 1 journée.
De là à Sabîba, ville ancienne, bien arrosée, environnée de jardins, entourée d'un mur solidement construit en pierres, avec un faubourg où sont les bazars et les caravanserais, 1 journée. Les eaux qu'on boit à Sabîba proviennent d'une grande source, et servent aussi à l'irrigation des jardins, des vergers et à celle des champs où l'on cultive du cumin, du carvi et des légumes.
De Sabîba à Marmâdjanna, village des Henwâra, 1 journée.
De là à Maddjâna, ville dont nous avons déjà parlé, 1 journée.
Puis à Miskiâna, bourg ancien, très peuplé, 1 journée. Miskiâna est plus grand que Marmâdjanna, son territoire est bien arrosé et bien cultivé, le bazar qui s'y trouve s'étend en longueur sur une seule ligne.
De là on se rend à Bâghây, ville florissante
que nous avons déjà décrite dans la présente section. De Bâghây
la route se continue jusqu'à al-Masîla, (et de là à Tâhart), comme nous
l'avons indiqué ci-dessus.
Une seconde route d'al-Cairawân à al-Masîla, autre que celle dont nous venons de parler, est celle-ci :
D'al-Cairawân à Djaloula, petite ville entourée de murs, avec une source d'eau courante qui sert à l'arrosage d'un grand nombre de jardins et de palmiers, 1 journée.
De là à Addjar, joli village, eau de puits, beaucoup de champs ensemencés d'orge et de blé, 1 journée.
De là à Tâmdjanna, village situé auprès d'une grande plaine où l'on cultive l'orge et le blé en abondance, 1 journée.
De là à Laribus (Alorbos) 1 journée.
De Laribus à Tîfâch, ville ancienne, entourée de vieux murs construits en terre et en chaux, source d'eau courante, jardins, vergers, grande culture d'orge, 1 journée.
De Tîfâch à Caçro'l-Ifrîkî (château de l'Africain), bourg non entouré de murs, dont les environs produisent beaucoup de blé et d'orge, 1 journée,
De là au village d'Arcou, eaux de source, jardins, vergers, champs ensemencés de froment et d'orge, et très fertiles, 1 journée.
De là à al-Baradawân, village autrefois considérable, culture d'orge et de blé, 1 journée.
De là à an-Nahrawîn, village situé dans un bas-fonds où sont des puits d'eau douce, 1 journée. Il s'y tenait autrefois un marché. Le pays est en majeure partie peuplé de Berbers Kitâma et Mezâta.
De là au village de Tâmsît, arbres et champs cultivés, 1 journée.
De là à Deggama, village où est un marché et dont les habitants sont de la tribu de Kitâma, 1 journée.
De là à Oushant, village berber, eaux courantes, blé et orge, 1 journée.
De là à al-Masîla, un peu moins d'une journée.
D'al-Masîla à Wârgalân, on compte 12 fortes
journées. Cette dernière ville est habitée par des familles
opulentes et des négociants fort riches qui, pour faire le commerce, parcourent
le pays des nègres et pénètrent jusqu'à Ghâna et le Wangâra d'où ils tirent
de l'or qui est ensuite frappé à Wârgalân et au coin de cette ville.
Ils sont en général des sectes dites Wahbite et Ibâdhite, c'est-à-dire qu'ils
sont schismatiques et dissidents.
De Wârgalân à Ghâna, on compte 30 journées.
De Wârgalân à Cougha, environ un mois et demi de marche.
De Wârgalân à Cafça, 13 journées.
Revenons maintenant à Câbis, la ville des Africains, située sur les bords de la mer et dont nous avons déjà fait mention.
De Câbis à al-Fouwâra où il y avait jadis un village, actuellement ruinée, 30 milles.
De là à Abâr Khabt, 30 milles.
De là à Caçro 'd-Darac, 28 milles.
De Caçro 'd-Darac à Bîro 'l-Djammâlîn, 30 milles.
De là à Çabra, 24 milles.
Du fort de Çabra à Tripoli (Atrâbolos), 1 journée.
Toutes ces stations que nous venons d'énumérer sont désertes par suite des dévastations qu'y ont commises les Arabes ; il ne subsiste plus de traces des anciennes habitations ; les biens de la terre, la population, tout a disparu ; le pays est abandonné à des tribus d'Arabes dites Mirdâs et Riyâh.
La seconde route de Câbis à Tripoli passe par Wâdî Ahnâs, Bîr Zenâta, Tâmadfit, Abâro 'l-Abbâs, Tâfinât, Bîro 'ç-Çafâ. De là à Tripoli.
Quant à Tripoli, c'est une
ville forte, entourée d'une muraille en pierre, située sur le bord de la
mer ; ses édifices sont d'une blancheur remarquable et la ville est coupée
de belles rues ; il y a des bazars solidement construits, des
fabriques et des entrepôts de marchandises destinées à être exportées au
loin. Avant l'époque actuelle, tous ses environs étaient extrêmement bien
cultivés et couverts de plantations de figuiers, d'oliviers,
de dattiers et de toute sorte d'arbres à fruits ; mais les Arabes
ont détruit cette prospérité, les habitants de la campagne ont été obligés de l'abandonner, les plantations ont été
ravagées, les cours d'eau arrêtés. En 540 (1145), le grand
roi Roger prit cette ville et fit périr ou réduisit en esclavage les
habitants ; il en est actuellement possesseur et elle fait partie
de ses états. Le territoire de la ville de Tripoli est d'une
fertilité incomparable en céréales, comme tout le monde sait.
De Tripoli en se dirigeant vers l'est jusqu'à la ville de Sort, on compte 230 milles ou 11 journées, savoir :
De Tripoli à al-Madjtanâ, 20 milles.
De là à Wardâsâ, 22 milles.
De Wardâsâ à Raghougha, 25 milles.
De Raghougha à Tâwargha, 22 milles.
De Tâwargha à al-Monaccif, 25 milles.
De là aux châteaux de Hassân ibno 'n-No'mân al-Ghassânî, 40 milles.
De ce dernier lieu à al-Açnâm, 30 milles.
D'al-Açnâm à Sort, 46 milles.
La route qu'on suit pendant ce trajet s'éloigne ou se rapproche plus ou moins de la mer, et les terres que l'on parcourt sont occupées par deux tribus d'Arabes, les Auf et les Dabbâb.
Sort est une ville ceinte d'un mur de terre, et située à 2 milles de la mer. Elle est entourée de sables. On y voit des restes de plantations de dattiers et de figuiers, point d'oliviers, mais beaucoup de mûriers. Ces arbres y seraient encore en plus grand nombre sans les dévastations continuelles des Arabes. A Sort, l'herbe est plus rare qu'à Audjala, et les dattiers en nombre moins grand qu'à Waddân. Autrefois les dattiers y étaient suffisants, ou plus que suffisants, pour les besoins de la population ; il y avait aussi des vignes et d'autres arbres à fruits, mais actuellement il ne s'en rencontre plus qu'au fond des vallées ou sur les sommets des collines. L'eau des puits est rare et l'on boit généralment de l'eau pluviale que l'on garde dans les citernes. Autour de la ville vivent des tribus berbères.
Non loin de la ville de Tripoli, à 3 journées de distance, est la montagne de Macda. La montagne de Nafousa est à la distance de 6 journées de Tripoli.
De la montagne de Nafousa à Sfax, 9 journées.
De la même montagne à Castîlia, 6 journées.
Les habitants de la montagne de Nafousa
sont des Musulmans schismatiques de la secte d'Ibn Monabbih le Yémenite, dont nous parlerons à l'occasion de l'île de Djarba.
De la montagne de Nafousa à celle de Demmer, on compte 3 journées par un pays sablonneux ; l'extrémité de cette montagne est habitée par une tribu de Berbers, dite Rahâna, qui y élèvent des chameaux dont ils choisissent les plus légers et les plus agiles. Montés sur ceux-ci, ils vont, en petites divisions, surprendre au loin les tribus arabes et s'emparer de leurs chameaux, après quoi ils retournent dans leurs montagnes et leurs asyles avec le butin qu'ils ont fait ; ils n'ont pas d'autre industrie ; il n'est aucune des tribus arabes habitant dans leur voisinage qui n'ait à se plaindre d'eux, et il est presque impossible de les atteindre, soit à cause de la vitesse de leurs montures, soit parce qu'ils connaissent parfaitement le pays et que leurs habitations sont d'un accès difficile. Cette montagne touche du côté du midi au pays de Waddân.
Nous allons à présent indiquer les ports de mer, les promontoires, les châteaux habités et lieux fréquentés situés sur la côte qui font partie de la présente section, et ce d'après les renseignements que nous avons obtenus. Que Dieu nous assiste dans ce travail !
Nous disons donc que le point le plus occidental de la côte comprise dans cette section est la ville de Bone.
De là (en retournant) à at-Tarf (le Cap, c'est-à-dire Râso 'l-Hamrâ, Cap de Garde) 6 milles. A ce cap commence le golfe d'al-Azcâc (golfe de Bone), qui n'est pas grand et à l'autre extrémité duquel se trouve Marsâ 'l-Kharaz (la Calle), 40 milles.
De Marsâ 'l-Kharaz à Tabarca, 24 milles ; et de là à l'extrémité du golfe (Tarfo 'l-Djoun) 15 milles en ligne directe, et 24 milles en suivant les contours. Suit un banc de sable dont l'étendue est de 16 milles et qu'on appelle al-Minchâr. De l'extrémité de ce banc à Cal'at Abî Khalîfa, 10 milles.
De ce point, en traversant le golfe en ligne directe, 20 milles, et en ligne oblique, 28 milles. Puis au cap de l'extrémité de golfe (râso 't-Tarf, Cap Blanc), 12 milles.
De là à Bizert (Benzert) dont il a déjà été question, 8 milles.
De Bizerte au port de Banî Waddjâç, 12 milles.
Du cap de Banî Waddjâç à Râso' l-djabal
(le Promontoire), 13 milles, en côtoyant une baie sur les rives de laquelle
on remarque divers châteaux. On se rend du cap de Banî Waddjâç au fort
dit Marsâ 'l-Wâdî, où une petite rivière vient se jeter dans la mer, 3 milles.
De là au fort Tarcha Dâoud, encore 3 milles.
De là à Caçr Counîn 5 milles, et puis au Promontoire (Râso' l-djabal) 2
milles. Ce promontoire porte le nom d'al-Canîsa et c'est là que commence le
golfe au fond duquel se trouvent le lad et la ville de Tunis.
Du Promontoire, en suivant les contours du golfe, jusqu'à l'embouchure de la rivière de Badjarda (Medjerda), 6 milles. De la dite embouchure à Caçr Djalla (Gella), qui n'en est pas fort éloigné, environ 4 milles. De là à Caçr Djirdân, 2 milles. Puis à la ville de Carthage, encore 2 milles.
La ville de Carthage est en ruines, comme nous avons dit ci-dessus.
De Carthage à l'embouchure du canal de Tunis (Halco 'l-Wâdî ou Famo 'l-Wâdî, la Goulette), qui est au fond du golfe, 3 milles. De là à Caçr Djahm, 12 milles. Puis à Caçr Carbaç (Carpis), 16 milles. Puis à Afrân qui est un cap qui s'avance dans la mer, 14 milles. Le contour de tout le golfe est de 74 milles ; mais, en allant directement du Promontoire (Râso' l-Djabal) au cap d'Afrân, la distance n'est que de 28 milles. Du fond du golfe, où est l'embouchure du canal de Tunis (la Goulette), au cap d'Afrân, on compte 28 milles en ligne directe, et 56 en suivant les contours.
Du cap d'Afrân au port de Caçro 'n-Nakhla, 6 milles.
De là à Caçr Benzert, 12 milles.
Puis à Caçr Nouba, 30 milles. Ce qui fait de l'embouchure du canal de Tunis (la Goulette) à Nouba, 70 (76) milles.
Vis-à-vis de Nouba dans la mer se trouvent deux îles distantes l'une de l'autre de 7 milles. L'une s'appelle al-Djâmouro 'l-Cabîr (Aegimurus), l'autre al-Djâmouro-ç-Çaghîr. La distance entre al-Djâmouro 'l-Cabîr et Nouba est de 12 milles.
Entre Nouba et le cap dit Râso 'r-Rakhîma est un golfe dont les eaux sont profondes et dont le trajet en ligne directe est de 1 mille, par les contours de 6 milles.
De ce cap au cap d'al-Bacla, qui est le promontoire de la montagne d'Adâroun (Adâr) qui s'étend du côté de l'orient d'Aclîbia (Clypea).
De Râso 'r-Rakhîma à al-Djâmouro 'ç-Çaghîr,
6 milles. Les deux Djâmour sont des montagnes dans la mer auprès
desquelles on va mouiller en cas de vent contraire.
La distance totale entre Nouba et Aclîbia est de 30 milles.
Du cap d'Aclîbia à al-Monastîr, un jour de navigation.
On se rend d'Aclîbia à Caçr Abî Marzouc, 7 milles.
De là à Caçr Labna, 8 milles.
De Labna à Caçr Sa'd, 4 milles.
De Caçr Sa'd à Caçr Gurba (Curubis), 8 milles.
De là au cap de Tousîhân, 10 milles. Tousîhân est un cap qui s'avance à la distance d'un mille et demi dans la mer, et qui a la forme d'une dent molaire. De ce cap au fort de Tousîhân au fond du golfe, 4 milles.
De Tousîhân au fort de Nâbol (Neapolis), 8 milles. Nâbol était, sous les Romains, une ville grande et bien peuplée ; mais la péninsule (de Bâchou) étant tombée au pouvoir des Musulmans dès les premiers temps de l'hégire, Nâbol perdit sa splendeur et son état florissant, à tel point qu'il n'en reste que le château et quelques ruines. Ces vestiges prouvent que la ville dut être considérable autrefois.
De Caçr Nâbol à Caçro 'l-Khaiyât, fort situé à près de 2 milles de la mer, 8 milles. De là à Caçro 'n-Nakhîl, 6 milles. Puis au bout de la péninsule, où est située al-Hammâmât, 7 milles.
En revenant d'al-Hammâmât à Tunis, la route est
d'une forte journée, distance égale à l'étendue en largeur de la péninsule
qu'on appelle
Djâzîrato Bâchou et dont il a déjà été question.
Le bout de la péninsule se nomme Tarfo 'l-Hammâmât. Il y a un château solidement construit sur un cap qui s'avance en mer à près d'un mille.
D'al-Hammâmât au fort d'al-Manâr (le phare), situé à quelque distance de la côte, 5 milles. De là à Caçro 'l-Marçâd (fort de l'observatoire), puis à Caçro 'l-Morâbitîn (le fort des religieux), 6 milles. Ce château se trouve au fond du golfe dit Djouno 'l-Madfoun. De ce lieu au cap qui ferme le golfe d'al-Madfoun, 6 milles.
De ce cap au fort d'Aharcalia (Horrea Caelia), 8 milles. De là à Sousa, 18 milles.
Sousa est une ville bien peuplée ; il s'y fait beaucoup de commerce. Les voyageurs y affluent de toutes parts ; on en exporte divers objets que l'on ne peut se procurer que là, notamment des tissus et des turbans auxquels on a donné le nom de turbans de Sousa. Les bazars y sont bien fournis et très fréquentés ; la ville est entourée d'une forte muraille en pierres de taille ; on n'y boit que de l'eau de citerne.
De Sousa à Caçr
Chacânis, 8 milles.
De Chacânis à Caçr Ibni 'l-Dja'd, 4 milles.
De là aux châteaux d'al-Monastîr, 2 milles.
La distance totale entre Aclîbia et al-Monastîr, en ligne droite, est de 100 milles, ce qui équivaut à une journée de navigation, et de 120 milles en suivant les contours.
Vis-à-vis d'al-Monastîr et à la distance de 9 milles, est située l'île de Couria, qui est distante de Lamta de 10 milles, d'ad-Dîmâs de 12, d'al-Mahdîya de 20 milles.
D'al-Monastîr à al-Mahdîya, on compte 30 milles. Du même lieu à Caçr Lamta, 7 milles ; de là à ad-Dîmâs, 8 milles ; d'ad-Dîmâs à al-Mahdîya, 8 milles.
La ville d'al-Mahdîya, dont on a déjà donné la description, est environnée par les eaux de la mer ; elle est située à l'entrée d'un golfe qui court dans la direction du sud.
D'al-Mahdîya à Caçr Salacta (Sullectus), 6 milles ; de là à Caçr 'l-Alia, 6 milles ; de là à Caboudzia (Caboudia, Caput Vada), 13 (16) milles.
Caboudzia est un joli château. On y pêche les plus beaux poissons en abondance.
De Caboudzia à Caçr Molyân, 8 milles ; de là à Caçro 'r-Raihâna, 4 milles ; puis a Caçr Canâta, 4 milles.
On fabrique à Caçr Canâta, avec de l'argile de couleur rouge, beaucoup de poterie sans ornements ni dessins, que l'on transport à al-Mahdîya et ailleurs.
De Caçr Canâta à Caçro 'l-Louza, 4 milles ; de là à Caçr Ziyâd, 6 milles ; puis à Caçr Madjdounis, 8 milles ; ensuite à Caçr Câsâs, 8 milles ; et de Caçr Câsâs à Caçr Cazal (Usilla), 2 milles. Somme totale, de Caçr Ziyâd au cap de Cazal, 18 milles.
Du cap de Cazal à Caçr Habla, en suivant la côte, 2 milles. De là à Sfax au fond du golfe, 5 milles. Somme totale, de Caçr Ziyâd à Sfax, 48 milles en suivant les contours du golfe, et 30 milles en ligne directe.
Vis-à-vis de Caçr Ziyâd en mer, vers l'orient, est l'île de Carkina, située entre Caçr Ziyâd et Sfax. On compte de Caçr Ziyâd à Carkina 20 milles, et de cette île à Sfax, environ 15 milles.
Carkina est une île jolie
et bien peuplée, quoiqu'il ne s'y trouve aucune ville ; les habitants
demeurent sous des cabanes de roseaux. Elle est riche en pâturages et
produit beaucoup de raisin, du cumin et de l'anis, sorte
de graine douce. Le grand roi Roger s'en empara l'an 548 de l'hégire
(1153 de J. C.). Du côté occidental de l'île on voit des
grottes ou cavernes qui servent, aux habitants, de refuge contre les
invasions auxquelles ils peuvent être exposés. On a donné à ces grottes le nom
d'al-Carbadî (al-Farandî). On peut en considérer comme une continuation les
écueils du Cacîr (les bas fonds de la petite Syrte) qui s'étendent sur
un espace de 20 milles. Des al-Carbadî à Baito 'l-Cacîr, on compte 35
milles. La longueur de l'île de Carkina est
de 16 milles sur une largeur de 6 milles.
De Sfax à Tarfo 'r-Ramla (le bout des sables) où commence le golfe, 4 milles.
De là, revenant au midi à Caçro 'l-Madjous, 4 milles ; puis à Caçr Banca (Nîca), 10 milles ; de là à Caçr Tanîdza, 8 milles ; ensuite à Caçro 'r-Roum, 4 milles ; enfin à la ville de Câbis, précédemment décrite, 75 milles.
De Câbis, en suivant la côte, jusqu'à Caçr
Ibn Aichoun, 8 milles ; de là à Caçr Zadjouna, 8 milles ; puis à
Caçr Banî Mâmoun,
20 milles ; ensuite à Amroud, 11 milles ; enfin à Caçro 'l-Djorf, 18
milles. Somme totale, du cap de Râso'r-Ramla (Tarfo'r-Ramla) à ce cap
dit d'al-Djorf, 50 milles en ligne directe, et 150 (168) milles en suivant les
contours.
Du cap d'al-Djorf à l'île de Djarba, 4
milles. Cette île est peuplée de Berbers, généralement bruns
de couleur, d'un caractère mauvais et hypocrite, et qui ne parlent aucune
autre langue que le berber. Ils sont toujours disposés à se révolter, ne voulant
recevoir la loi de personne. Le grand roi Roger, vers la fin de l'an
529 (1135), équipa une flotte qui s'empara de cette île. Les habitants se
soumirent d'abord et restèrent tranquilles jusqu'en l'an 548 (1153), époque à
laquelle ils secouèrent le joug. Roger, pour les punir, y envoya une nouvelle
flotte. L'île fut de nouveau conquise, et ses habitants furent réduits en
esclavage et transportés à la ville. La longueur de l'île de Djarba
est, de l'est à l'ouest, de 60 milles, et sa largeur, du côté
oriental, est de 15 milles. De cette
extrémité de l'île à la terre ferme, on compte 20 milles. Le nom qu'on a
donné à ce côté le plus court de l'île est Râs Carîn, le côté (occidental)
de beaucoup plus large, se nomme Antîdjân.
Du côté de l'est, cette île est voisine de celle de Zîzou, qui est très petite, mais fertile en dattes et en raisins. On compte environ 1 mille de distance entre la terre ferme et l'île de Zîzou. Elle est située vis-à-vis de Caçr Banî Khattâb. Les habitants de cette île (comme ceux de Djarba) sont des musulmans schismatiques de la secte dite Wahbîya ; ceux des forts et châteaux voisins de ces deux îles appartiennent à la même secte. Ils pensent que leurs vêtements seraient souillés par le contact de ceux d'un étranger ; ils ne lui prennent pas la main, ne dînent pas avec lui et ne mangeront rien dans sa vaisselle, s'ils ne sont pas bien sûrs qu'elle est réservée pour eux seuls ; les hommes et les femmes se purifient tous les matins ; ils font des ablutions avant chaque prière, d'abord avec de l'eau, ensuite avec du sable. Si un voyageur étranger s'avise de tirer de l'eau de leurs puits pour boire, ils le chassent et s'empressent de mettre à sec ce puits devenu impur. Les vêtements des hommes impurs ne doivent pas être mis en contact avec ceux des hommes qui sont purs, et vice versâ; ils sont néanmoins très hospitaliers ; ils invitent les étrangers à des repas et les traitent bien. Ils respectent les propriétés des personnes qui viennent se fixer chez eux et sont justes à leur égard.
Du bout de l'île de Djarba, nommé Antîdjân, à Cacîro 'l-Bait (Baito 'l-Cacîr), on compte 90 milles, et au pont de Carkina, 62 milles.
Revenons maintenant au cap d'al-Djorf, dont nous avons déjà parlé. De ce point, en suivant le rivage de la mer, à Râso 'l-Audia, on compte 24 milles ; de là aux châteaux dits az-Zârât, 20 milles.
Ces châteaux, au nombre de trois, sont situés vis-à-vis de l'île de Djarba, et n'en sont séparés que par un bras de mer de 20 milles de large.
Des châteaux d'az-Aârât à Caçr Banî Dzacoumîn, 25 milles ; de là à Caçro 'l-Harâ, 6 milles ; puis à Caçr Djordjîs (Sarsis), 6 milles ; ensuite à Caçr Banî Khattâb, 25 milles.
Caçr Banî Khattâb est situé sur les confins, à
l'ouest, d'un marais salé nommé Sibâkho 'l-Kilâb, et en face de l'échelle
de l'île de Zîzou, dont la longueur est
de 40 milles sur un demi mille de largeur. Une partie de cette
île, couverte d'habitations, produit du raisin et des dattes ; l'autre
est couverte d'eau, ainsi que nous l'avons dit,
à la profondeur d'environ une stature d'homme.
De Caçr Banî Khattâb à Caçr Chammâkh, 25 milles. Ces deux lieux sont séparés par une petite baie dite Djoun Çolbo 'l-Himâr.
De Caçr Chammâkh à Caçr Çâlih, 10 milles. Caçr Çâlih est bâti sur un cap, nommé Râso 'l-Makhbaz, qui court de l'est à l'ouest sur une étendue de 5 milles.
De Caçr Chammâkh à Caçr Coutîn, 20 milles ; de là à Caçr Banî Waloul, 20 milles ; de là à Marsâ Markiâ, 20 milles ; de Caçr Markiâ à Caçr Asfalât, 20 milles ; de là à Caçr Saria (Sorba), 4 milles ; puis à Caçr Sinân, 2 milles ; de là à Caçro 'l-Bondârî, 3 milles ; ensuite à Caçr Gharghara, 10 milles ; de là à Caçr Çaiyâd, 6 milles ; enfin à la ville de Tripoli, 20 milles. On a donné ci-dessus la description détaillée de Tripoli.
De cette ville à un fort bâti sur le cap de Câliyouchâ, 14 milles ; de là à Caçro 'l-Kitâb, 8 milles ; de là à Caçr Banî Ghassân, 12 milles ; puis à l'embouchure de la rivière dite Wâdî Lâdis, 18 milles ; enfin au cap dite Râso 's-Cha'râ, 14 milles. Somme totale, du cap de Câliyouchâ à Râso 's-Cha'râ, 40 milles en ligne droite, et 52 en ligne oblique.
De Râso 's-Cha'râ à Caçr Charîkis, on compte 14 milles ; de là au cap d'al-Misan, qui s'avance dans la mer, 4 milles ; puis à Labda (Leptis), 4 milles.
La ville de Labda est
située à une petite distance de la mer. Elle était autrefois très
florissante et très peuplée ; mais les Arabes s'étant rendus maîtres
de la ville et de ses environs, firent disparaître la prospérité et le
bien-être des habitants, à tel point que ceux-ci
furent contraints d'abandonner la ville. Il n'en reste plus que deux châteaux
assez considérables, où des Berbers de la tribu de Houwâra ont établi
leur domicile. (Indépendamment de ces châteaux), on voit encore, à Labda,
un fort grand et peuplé, sur le bord de la mer. Il y a des fabriques et il
s'y tient un marché qui est assez fréquenté. Le territoire de Labda produit
des dattes et des olives dont on retire, dans la saison convenable, d'assez
bonnes récoltes d'huile.
De Labbda à Caçr Banî Hasan, 17 milles ; de là à Marsâ Bâkirou, bon mouillage où les navires sont à l'abri de tous les vents, 1 mille.
De ce port à Caçr Hâchim et puis à Caçr Sâmia, 12 milles. De là à Sowaicat Ibn Matscoud, 12 milles. Puis à cap Cânân (cap Mesrata), point connu, 20 milles. Somme totale, de Tripoli à cap Cânân, 180 milles en ligne directe, et 210 milles en ligne oblique.
As-Sowaica (le petit marché), dont nous venons de parler, tire son nom d'Ibn Matscoud. Il y a un marché très fréquenté et un grand nombre de châteaux. Les habitants cultivent de l'orge au moyen d'irrigation artificielle, et les Arabes y emmagasinent leurs provisions. Le pays environnant est peuplé de Berbers de la tribu de Houwâra, qui sont entièrement sous la dépendance des Arabes.
Page mise à jour le 10 sep 02